top of page
Maître Vang Ngoc Ha


Lettre adressée à Maître VANG Ngoc Ha (8e Dang, Thieu Lam Hong Gia - Vo Co Truyen (Hung Gar Kuen), Fondateur et Grand Maître de Hung Gar Kuen La Croix Rousse, France).
Mon Très Cher Maître Ngoc Ha – Si Fu,
Thầy ơi, je vous écris aujourd'hui depuis l'avion qui me ramène au Vietnam. Vous avez choisi de franchir la Porte de l’Orient Éternel, cet ultime Voyage, le 12 décembre 2024, à 07h46. Même si notre dernier échange sur WhatsApp, où j'ai bénéficié de votre enseignement, me laissait avec un amer pressentiment que vous alliez bientôt prendre cette décision, je ne pensais pas que cela arriverait si vite. Peut-être est-ce un déni de ma part, ou certainement de l’égoïsme, car j'attendais encore tant de vos enseignements et de votre amour. Ce dont je suis certain, c’est que vous avez lutté jusqu’au dernier jour, sans jamais abandonner personne, encore moins votre famille proche : vos enfants, petits-enfants et frères. Je suis convaincu qu’après avoir assumé vos responsabilités, préparé les rails pour l’avenir de chacun et transmis vos savoirs, vous avez décidé que c’était le moment.
Franchement, au regard de tout ce que vous avez accompli, il serait impossible de contester votre décision, même si, pour nous, ce jour est arrivé bien trop tôt.
Si Fu, bien que je sois peu présent en France, mon pays, ma patrie d’adoption et celui que vous aviez choisi, mes souvenirs et mes apprentissages sont nourris par l’enseignement de mes parents, de ma famille proche, mais aussi de mes trois Maîtres – mes Si Fu.
Mon premier Si Fu est Maître Minh BUI. Tout le monde le sait, car son enseignement, toujours vivant en moi, continue à me guider aujourd’hui. Je lui souhaite santé et longue vie, car Maître Minh est encore parmi nous, et nous pouvons encore bénéficier de sa sagesse. Vous, mon deuxième Maître, qui venez de nous quitter discrètement mais avec une portée éternelle, occuperez toujours une place particulière dans mon cœur. Je reviendrai plus tard sur notre relation, empreinte de beaucoup de discrétion, mais sans oublier les moments symboliques. Mon troisième Maître fut le regretté Maître Ha Chau, qui nous a quittés il y a plus de dix ans.
Depuis mes cinq ans, lorsque j’ai commencé les arts martiaux par le judo, puis évolué vers le karaté Shotokan et plus tard le karaté Kyokushinkai, depuis mes 12 ans le Hung Gar Kuen (Hong Gia) est devenu mon chemin de vie (cela fait maintenant 42 ans de pratique dans le Hung Gar). C’est grâce à mon premier Maître, Si Fu Minh BUI, que j’ai eu le privilège de vous rencontrer et de vous connaître. Je me souviendrai toujours de votre arrivée à l'École Hung Gar de la Croix Rousse en 1985. À l’époque, les arts martiaux sino-vietnamiens étaient encore peu développés en Europe, et nous étions fascinés par Bruce Lee.
À cette époque, Si Fu Minh BUI avait trois principaux élèves : Anh Khuong, Anh Thanh et moi. Anh Hau, le petit frère de Anh Thanh, nous a rejoints plus tard. Cette fraternité naissante m’a conduit un jour à votre domicile, à Gerland. Je me souviens encore de cette première rencontre : un grand salon décoré de meubles laqués traditionnels vietnamiens, et votre accueil, méfiant mais bienveillant.
Peu après, Anh Thanh et moi, alors adolescents, avons commencé à monter les escaliers des pentes de la Croix Rousse, munis des clés de votre École Hung Gar Kuen, pour nous entraîner dans ce lieu qui, pour moi, incarnait un véritable rêve. Aucun autre adolescent de mon âge n’avait accès à une telle opportunité – cette Chance. Ces souvenirs, gravés dans ma mémoire, m’accompagnent depuis près de quarante ans.
Votre Ecole – Hung Gar La Croix Rousse, toujours située au même endroit en décembre 2024, n’a pas changée. Les repères des Tao Lu (Bai Quyen), les échanges avec Anh Thanh, et même les odeurs, restent intacts. Lors de ma dernière visite pour saluer Anh Tuan, votre fils et mon Grand Frère, j’ai ressenti que le temps s’était figé.
Ces moments sont des enseignements et des souvenirs fraternels qui continuent de me façonner jour après jour. Je me rends compte que, bien que mes parents m’aient prodigué une éducation sans faille avec amour, votre guidance à travers le Kung Fu a joué un rôle déterminant dans ma vie. Vos exemples restent pour moi des modèles. Aujourd’hui, j’essaie de vivre avec dignité et honneur dans l’esprit du Hung Gar, et de transmettre ces valeurs à mes enfants.
Vos enseignements m’ont également permis de rencontrer Maître Ha Chau et de devenir son disciple. Sans Vous, je n’aurais probablement jamais osé approcher cette figure reconnue internationalement.
Je me souviens encore de vos paroles lors de nos derniers échanges, où vous m’encouragiez à persévérer et à ne pas abandonner. Vous m’avez exhorté à unir les pratiquants du Hung Gar et à faire en sorte que cet enseignement perdure. Ne vous inquiétez pas, nous ferons tout pour honorer votre souhait, et Anh Tuan jouera un rôle clé dans cette transmission.
Ce vendredi 20 décembre 2024, à 15h, je suis venu du Vietnam pour vous rendre un dernier hommage avant la fermeture du cercueil. Votre image, paisible et rassurante, restera à jamais gravée en moi. Même en ce moment difficile, vous avez réuni ce qui était épars : vos enfants, petits-enfants, frères et sœurs, ainsi que vos disciples. La cérémonie fut belle et respectueuse, empreinte de fraternité entre croyants de différentes confessions et non-croyants.
Enfin, lors de cette soirée, entourés de vos filles, un papillon est apparu pendant la combustion des éléments de l’autel funéraire. Nous y avons vu un symbole. Nous vous souhaitons de belles retrouvailles avec votre épouse Si Mao et tous ceux qui vous ont précédé dans l’Orient Éternel.
Nous vous aimons et continuerons à porter vos enseignements dans nos cœurs et nos vies.


bottom of page